DIDIER DESCHAMPS

DIDIER DESCHAMPS

WE ARE DESCHAMP(ION)S

Au «Château», c’est Didier Deschamps qui donne le La, pour un (à la) Clairefontaine au diapason et une chorale de bleus à l’unisson, prête à s’égosiller sur une Marseillaise endiablée. Dédé nous fait chanter depuis 30 ans et personne ne s’en plaint. Pire, on en redemande. Chaussez vos crampons, we are the champions…

France-Croatie

67 millions de Français, et presqu’autant de sélectionneurs revendiqués quand un mondial pointe le bout de son ballon. Au final, un seul élu patenté, mais c’était bien tenté, quoiqu’un tantinet audacieux de se mesurer à un champion du monde en la matière, non?! 
Didier Deschamps a tout gagné ou presque, comme joueur, entraîneur ou sélectionneur. 
A 53 ans, le Bayonnais est le deuxième joueur de l’histoire, après Franz Beckenbauer, à avoir gagné en tant que capitaine le Championnat d’Europe des Nations, la Ligue des Champions et bien sûr le graal, la fameuse Coupe du monde. Comme l’Allemand –et le Brésilien Mario Zagallo– ils ne sont que 3 au monde à avoir soulevé le trophée en tant que joueur, puis sélectionneur. Ça vous pose un homme, hein ? Je dirais même plus : chapeau basque ! 
A Clairefontaine, à la veille d’une indécente déculottée kazakhstanaise –un 8-0 qui nous envoie, non pas au paradis, mais au Qatar, c’est sur la route !–, Didier Deschamps est tout sourire pour répondre à mes questions… Retour sur le parcours d’un homme d’une simplicité aussi désarmante que redoutable. 

Activmag : Quel genre d’enfant étiez-vous ?
Didier Deschamps : Le genre plutôt calme et studieux, mais avec le besoin de se dépenser, tout le temps.

Le foot, ce n’était pas une évidence pour vous, il y a eu la natation, le cross country, le demi-fond…
Oui je pratiquais, enfant, tous les sports. L’athlétisme beaucoup, le hand aussi, la pelote basque et le rugby bien sûr –à Bayonne, c’était normal–, j’aimais quand même un peu plus le foot, mais pour moi, c’était juste du sport pour m’amuser !

En athlé, d’ailleurs, vous n’étiez pas mauvais…
Ouais ! Sur le 1000 mètres, je me défendais plutôt bien (en 5e, il est tout de même sacré champion de France scolaires, catégorie Minimes !). J’avais des capacités, je ne les ai pas développées, elles étaient en moi. Mais ça m’a bien servi, je dois reconnaître… Une endurance de bonne qualité, cette capacité à répéter les efforts sur la durée, c’est pas complètement inutile pour le rôle que j’allais occuper sur le terrain par la suite.

Qu’est-ce qui a fait le déclic foot ? 
Les potes ! Quand j’avais 11-12 ans, mon meilleur ami et quelques copains étaient licenciés à l’Aviron Bayonnais, et c’était un peu pour les suivre, sans idée derrière la tête. On s’entrainaît ensemble les mardis et jeudis après le collège, sans ambition particulière. Mais le déclic s’est fait au final rapidement, j’ai eu des sollicitations de plusieurs clubs professionnels pour intégrer leurs centres de formations. Parmi eux, St-Etienne, Bordeaux, Auxerre, et j’ai choisi Nantes pour commencer.

Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), 10 septembre 2019, Stade de France. Football Eliminatoires UEFA Euro 2020 France-Andorre : 3-0 (Photo Pierre Minier / Ouest Médias)

Vous auriez-pu faire un autre métier ?
Certainement. Mais pour tout vous dire, je ne considère pas, aujourd’hui, que ce que je fais est un métier !

OK, alors quand vous serez grand, vous ferez quoi ?
Quand je serai plus grand, promis, j’y réfléchirai. J’ai beau avoir la cinquantaine, je crois que je n’ai jamais travaillé. J’ai eu le privilège de vivre de ma passion, avec exigence et implication quand même, mais le travail, c’est autre chose ! Un jour, il faudra peut-être que je m’y mette, mais ne me demandez pas dans quoi, j’en ai aucune idée !

1987, premier contrat pro et déjà capitaine. A 19 ans, c’est l’année de la lancée, c’est aussi celle de la perte de votre frère (dans un crash d’avion), comment l’avez-vous surmontée ?
Ce genre de tragédie, ce sont des moments extrêmement douloureux… On doit vivre avec, ou vivre sans, puisqu’il n’est plus là. J’ai la chance d’avoir un esprit famille très marqué, mais ça n’atténue pas le chagrin et la souffrance et même avec les années qui passent, on reste marqué à vie. Mais on se construit aussi avec ces épreuves et ces drames, comme beaucoup.

Depuis le début, notamment en Equipe de France, vous avez souvent été capitaine. A quoi c’est dû ? 
C’est vrai, déjà dans les équipes de jeunes, je l’étais… Mais ce n’est pas moi qui l’ai décidé ! Je devais certainement avoir le bon profil pour avoir cette fonction, cette responsabilité-là.

Et c’est lequel, le bon profil ?
Faudra demander à mes entraîneurs, je crois que vous connaissez Aimé, posez-lui la question… Il y a, j’imagine, une question de caractère. Même gamin, je passais beaucoup de temps pour les autres. Après, faut être un leader. D’autres sont neutres ou suiveurs. J’étais plutôt dans la première catégorie, à penser toujours groupe, équipe… 

Vous avez travaillé…
Travailler ?

Pardon, vous vous êtes « amusé » avec de sacrées personnalités qui ont marqué votre carrière… parmi eux, Marcel Desailly, votre pote de toujours ? 
On était 2 gamins au centre de formation, avec la même envie, la même détermination à passer professionnel, pour jouer au FC Nantes et faire la plus belle carrière possible. On est très liés depuis. Et, coéquipiers en bleu, à Marseille ou à Chelsea, ou adversaires sur le terrain, on est toujours restés proches, aujourd’hui encore, avec des trajectoires différentes… 

Michel Platini ? 
Oui, forcément, c’est lui qui m’a sélectionné pour la première fois en équipe de France. Ça reste un moment charnière dans une carrière. Par la suite, j’ai eu d’autres formes d’échanges avec lui, notamment quand il était président de l’UEFA. Et encore maintenant, j’ai beaucoup de plaisir à parler foot et autres avec Michel.

Bernard Tapie ? 
Oui, quand il était président de l’OM, je l’ai côtoyé pendant plusieurs saisons. C’est un personnage, avec son caractère, ses habitudes, sa vision de la vie, propre à lui… On aime, on n’aime pas, mais il ne laisse personne indifférent. Sans rentrer dans le détail, j’ai retenu certaines choses instructives de nos discutions. Mais reste qu’on a partagé de grands moments sur le plan sportif. Et humain aussi. 

Et Aimé Jacquet, naturellement… 
Une évidence… Une belle relation de confiance joueur/sélectionneur, qui s’est intensifiée quand il m’a fait son capitaine à la veille de l’Euro 96. J’ai bien sûr un immense respect pour lui et une reconnaissance éternelle par rapport à ce qu’il a fait avec nous.

Vous avez rencontré de grands hommes dans votre carrière, et une vieille dame avec qui vous avez partagez une belle idylle… Votre femme est au courant ? Pour la Juve…
Aaaaah… La juve ! Je commençais à m’inquiéter avec votre question (et il explose de rire). En même temps, ma femme était là… On faisait ménage à 3 !! Disons, qu’on était les 2 avec la vieille dame… C’est une période qui m’a vraiment marqué. J’ai retrouvé là-bas tout ce à quoi j’aspirais : une exigence au quotidien, cette culture de la gagne et un vrai esprit de famille, tout le monde se sentait bien. J’ai passé, enfin, « nous » avons passé de merveilleuses années en Italie et en plus nous avons eu notre fils là-bas, en 96… Le tableau était parfait.

Il y a eu le joueur à Nantes, Marseille, Turin ou Chelsea. Dès 89, il y a l’équipe de France. Comme joueur, vous avez tout gagné : la Ligue des Champions en 93 et 96, la coupe intercontinentale et la Supercoupe de l’UEFA en 97, la coupe du monde en 98, le Championnat d’Europe 2 ans plus tard, qu’est-ce qu’il manque à votre palmarès ? Un regret ?
Si moi, j’ai des regrets, ce serait déplacé de ma part ! J’ai eu l’opportunité de gagner beaucoup de titres, mais pas tous. J’ai aussi perdu des finales importantes. Mais je n’ai pas à me plaindre. Alors certains diront que je me suis retrouvé au bon endroit au bon moment. Y a de ça aussi, car de très grands joueurs n’ont pas eu, questions de circonstances, l’opportunité d’en remporter autant. Mais partout où j’ai été, que ce soit dans ma première vie en tant que joueur ou maintenant comme sélectionneur, je donne tout pour atteindre mes objectifs, car après une carrière de footballeur, ce qu’il reste, c’est des titres. Je ne le fais pas pour la gloire ou pour flatter mon égo, mais quand on est compétiteur dans l’âme, on joue pour gagner. 

98, de l’intérieur, vous l’avez vécu comment, car pour moi, ça a été hallucinant…
Pour moi aussi, je vous assure ! (rires)

Coupe du monde 98

Vous êtes passé du statut de joueur admiré à héros national… Il y a un avant et après pour vous ?
Carrément. Ça a été fou aussi parce que c’était en France, parce que c’était une première. Ce sport étant le plus populaire, on a connu un déferlement partout dans le pays, une communion de toute la population sans précédent. D’ailleurs les années passent, mais chacun se souvient où il était le jour de la finale et avec qui. Alors oui, ça a marqué un virage pour nous. Mis à part peut-être Michel Platini, qui avait déjà eu un peu de médiatisation hors foot dans les années 80 à travers des sponsors, là, avec 98, le footballeur est devenu une sorte de people. Bon, certains de mes partenaires ont fait aussi ce qu’il fallait pour entrer dans cet univers-là ! Mais 98 a contribué à cette bascule. 

20 ans après, vous récidivez… en tant que sélectionneur cette fois. L’émotion est identique ?
C’est difficile de comparer. Elle est aussi belle. Maintenant, ceux de ma génération ont plus été marqués par 98, mais pour les plus jeunes, 2018 est LA référence. Pour moi, c’est un succès supplémentaire. J’étais acteur sur le terrain à la première, pour cette fois, la réussite passait par mes joueurs, mais l’émotion reste aussi forte.

Et y’a quoi après ? Quel est votre graal ?
Je n’en ai pas. Mon objectif est le même : aller chercher tous les titres qui se présentent. Tant que mon envie et ma détermination sont intactes, ma tête et mon corps ont besoin de cette adrénaline si spéciale qu’on ne trouve qu’à travers le sport, même s’il en existe d’autres sortes dans le milieu professionnel. Cette adrénaline-là, j’en ai besoin, jusqu’à quand ? Je ne sais pas. Mais je ne vis que de ça. 

Vos joueurs, ce sont tous des stars dans leurs clubs respectifs, comment fait-on pour gérer autant d’égos ? 
C’est plus difficile de gérer des joueurs qui n’ont pas le niveau de ceux que j’ai à gérer au final. Le grand joueur a toujours des prédispositions naturelles par rapport à l’esprit d’équipe et au collectif. Mais quand vous devez gérer des joueurs qui sont moyens-bons, voire moyens et qui pensent être très bons, là ça devient compliqué. Alors oui, ils ont tous envie d’être importants, décisifs, ce sont des compétiteurs construits pour ça. Mais il y a aussi une gestion humaine complexe et enrichissante à mener, un groupe à créer. Je n’ai pas cette capacité à ne faire que des heureux. Sans dire que je peux aussi faire des malheureux, ça reste des êtres humains, avec leur sensibilité, leurs points faibles. Et quand il y a une exposition médiatique qui s’y ajoute, forcément, les émotions sont amplifiées. La tâche n’est pas facile.

J’ai envie de dire, qu’heureusement, dans cette tâche, vous êtes largement aidé par quelque 67 millions de sélectionneurs français, quelle chance !!
Ah oui, je ne l’avais pas vraiment vu sous cet angle-là, vous faites bien de me le rappeler !!(rires). Ils ont un avis aussi, c’est vrai, pas forcément le même que le mien, mais ça ne me pose aucun problème…

Et il y a les journalistes… Au final, qui sont les plus durs à gérer : les joueurs ou les médias ?
Heureusement, je ne gère pas les journalistes.

Vous avez en tout cas des échanges avec eux… Pas toujours simples, comme en son temps Aimé Jacquet…
Ah oui, et ça m’a servi d’expérience ! Mais aujourd’hui, l’environnement médiatique est à des années lumières de ce qu’a pu connaître Aimé. La multiplication des médias, des talk-shows, ça fait partie du « monde extérieur ». Et en toute sincérité, ça n’a aucun impact sur moi et ça ne peut en aucun cas me conditionner. La seule chose que je remarque, depuis quelques années, c’est cette montée en agressivité, verbale ou écrite, qui n’est pas le bon chemin. Mais quel que soit le propos, à partir du moment où il y a une analyse, argumentée ou pas, tant que ça concerne le sport, le choix de tel ou tel joueur, la pertinence d’une stratégie en 4-4-2 ou autre, j’accepte les règles, il n’y a pas de problème, mais si ça touche l’humain, le personnel, si la ligne est franchie, ça ne peut plus jouer ! Et malheureusement, elle est quelques fois franchie…

On tente péniblement de sortir de la crise sanitaire. Y aura-t-il un « monde d’après » pour vous ?
Oui, forcément, elle laissera des traces. Le monde a évolué, le Covid a modifié nos habitudes, parfois pour du bien aussi. On gagne en efficacité, on se réinvente, on prend conscience de la fragilité de notre planète. On se mobilise, se responsabilise. A chaque citoyen, peu importe le pays ou le continent, de prendre aussi les choses en mains pour qu’elle ne se dégrade pas davantage. 

France-Croatie 2020 – Phase de groupe de l’UEFA Nations League

Pour la jouer collectif ?
Oui, alors forcément ce n’est pas toujours simple de réunir les intérêts de chacun sous la bannière collective, je sais de quoi je parle, ça ne passe pas forcément tout de suite par de grandes actions spectaculaires, mais des petites, qui mises bout à bout et multipliées par des centaines de millions, peuvent faire la différence sur le terrain…  

FAN DE

Quel est votre acteur ou actrice préféré(e) ? 
Oh mince, je vais encore blesser des égos… J’en aime tellement. Mais je dirais, pour l’avoir rencontré plusieurs fois -il vient malheureusement de disparaître-, Belmondo.

Votre chanteur préféré que vous doublez sous la douche ?
Là aussi, il y en a plusieurs, mais il y en a un avec qui j’ai une belle relation, même une amitié, c’est Vianney.

Quel est l’humoriste qui vous fait mourir de rire ? 
Il n’y en a pas un qui ressort particulièrement. J’aime rire, mais je dois vous avouer qu’on rit plus facilement quand c’est sur les autres… quand c’est sur soi-même, on a bizarrement moins d’humour. En fait, on a le droit de rigoler, mais pas de se moquer…

Quel est l’auteur que vous dévorez ? 
Je ne suis pas un dévoreur… J’aime néanmoins les bouquins sur la gestion humaine ou les philosophies de vie, histoire de voir la vie du bon côté, de cultiver le positivisme.

Votre champion ? 
Mon fils ! Ah, vous ne l’attendiez pas celle-là ! (rires)

Quel homme de l’Histoire admirez-vous ? 
Nelson Mandela !

Quel est votre héros fictif ou réel préféré ? 
J’ai pas vraiment de héros… A part peut-être Goldorak !

Photos : Archives FFF

JUAN ARBELAEZ

JUAN ARBELAEZ

LE FAIM MOT DE L’HISTOIRE

A 33 ans, Juan Arbelaez est un chef cuisinier décomplexé, entrepreneur compulsif, star des réseaux sociaux, chroniqueur TV. On ne l’arrête pas ! Ou juste quelques minutes pendant Toquicimes à Megève…

Juan Arbelaez a le feu en lui, le feu sacré de la cuisine, certes, mais pas seulement. La bouillonnante Colombie coule dans ses veines, et s’il est venu s’installer à Paris, ce n’est surtout pas pour se poser, mais bien pour explorer. Ses terrains de jeu ? Le monde culinaire bien sûr, celui des médias et des réseaux sociaux ou encore celui de l’entreprise. Déjà à la tête de 13 restaurants et 300 employés, le jeune chef n’est jamais rassasié. Il y a quelques semaines, il venait à Megève présenter sa nouvelle collaboration avec Cocorico N’Co, l’après-ski ultra festif et gourmand de Tignes et Val d’Isère. Une aventure qu’il partage avec l’étoilé de Megève Emmanuel Renaud, le Lyonnais désormais parisien et finaliste de Top chef 2014 Thibault Sombardier et le pâtissier chocolatier de la Croix Rousse Sébastien Bouillet. Un casting 4 étoiles -imaginé par l’agence «Oui chef-fe»-, une fine équipe intenable à Megève !

©Matthieu Khalaf

Activmag : Tu viens de prêter ta voix à un personnage d’Encanto, le dernier Disney dont l’action se déroule dans ton pays natal, plutôt inattendu comme aventure ?
Juan Arbelaez : Oui, ça a été une expérience de dingue. Tu rentres dans le panthéon des enfants, un vrai rêve de gosse… Bon, je joue le père de l’héroïne, c’est un petit rôle, mais hyper touchant, je me suis régalé à le faire ! C’était un moment magique.

Mais comment c’est arrivé ?
J’ai ouvert mon resto colombien il y a 4 mois. Et il s’avère que Boualem Lamhene, un des dirigeants de Disney est venu y manger. J’ai fait un peu le saltimbanque en racontant l’histoire des plats, et à la fin du dîner, il me dit, “toi, tu vas faire une voix pour notre film. Ce serait bien qu’on travaille ensemble !” Moi, j’ai pris ça pour des paroles de fin de soirée… Mais le lendemain, 7 heures, j’avais un coup de fil m’invitant à faire des tests. Et ça s’est enchainé ! J’ai donc prêté ma voix à Agustin, un Colombien dont l’épouse a le don de guérir les autres grâce aux plats qu’elle prépare…

Pas si loin de la réalité…
Ça m’a replongé dans ma famille, à Bogota… Pour moi, à travers leur cuisine, mes grands-parents avaient le superpouvoir de réunir les gens, de leur faire oublier leurs soucis ! Je rêvais d’avoir le même don qu’eux, petit… Et au final, je l’ai peut-être.

De cette Colombie, tu gardes quoi ?
J’ai la chance de venir d’un pays avec un peuple d’une générosité exceptionnelle. C’est un pays assez modeste, mal connu ou connu pour les mauvaises raisons, mais qui a une vraie joie de vivre, qui vit en couleurs, en musique, qui ne se plaint pas et qui va de l’avant. Forcément cette culture m’a marqué et me donne toujours la force de continuer, jamais lâcher. C’est un pays dont tu tombes forcément amoureux.

Quel gamin étais-tu ?
Un gamin débordant d’énergie, curieux, insouciant, un chien fou !

Bon, en fait, t’as pas grandi ?
C’est vrai, et j’espère ne jamais grandir ! Je m’émerveille de tout… Dans cette insouciance, cette naïveté, il y a une sorte de beauté presque poétique, ce serait dommage de la perdre.

Tu aurais pu faire un autre métier ?
J’aurais pu être comédien… j’aurais adoré changer de masques, vivre un éventail d’émotions, jouer une multitude de rôles. Mais jeune, j’avais imaginé devenir publicitaire, pour la créativité, les brainstormings, l’inventivité… Mais au final, au cours d’un stage, je me suis révélé piètre publicitaire et j’ai découvert que je pouvais trouver tous ces aspects dans la cuisine. Et depuis, ce terrain de jeu me passionne.

Alors, du coup, comment passe-t-on d’un jeune de 18 ans quittant sa Colombie natale à un chef à la tête de 13 restau- rants parisiens, 15 ans plus tard ?
Il y a bien sûr beaucoup d’envie, il y a aussi le fait de ne pas redouter l’échec. Se ramasser et se relever, ça fait partie de l’apprentissage. Et mon côté tête brulée a contribué à accélérer le mouvement. Je suis probablement un peu kamikaze, à foncer tête baissée sans trop réfléchir aux risques. Ça m’a parfois desservi, mais bien souvent fait avancer, en mode turbo. Et puis je me suis bien entouré. J’ai la chance d’avoir créé un groupe de restauration avec mes 2 meilleurs amis, qui sont aussi mes associés. Grégory et Pierre-Julien Chantzios. Ensemble, on pilote quelque 300 employés… Mais pour en arriver là, c’est avant tout de la passion, être fou amoureux de ce métier et ne pas trop compter les heures… Et puis je ne me suis jamais réveillé en me disant que j’allais «taffer», mais toujours que j’allais faire ce que j’aimais, ça aide…

Tes premiers pas en cuisine ?
J’ai toujours regardé ma mère et mon grand-père cuisiner. Et à 15 ans, j’ai travaillé dans un burger en Colombie, même si ce n’était pas de la grande cuisine, j’ai adoré l’expérience. Et dès que je suis arrivé en France, j’ai intégré l’école de cuisine du Cordon Bleu. J’ai travaillé ensuite chez Gagnaire, au George V et au Bristol, un passage à Top Chef, bref le passage, et j’ai ouvert mon premier resto ! C’était il y a 8 ans. Aujourd’hui, on en a effectivement 13.

De Bogota à Paris, quelle cuisine te porte ?
C’est difficile de donner une seule cuisine. J’adore découvrir de nouveaux produits, de nouvelles techniques, je suis dans une cuisine de découverte. Et ce sont ces découvertes qui deviennent opportunités. J’ai commencé à faire mon huile d’olive bio en Grèce, auprès de Greg et Pierre-Julien. Et ça m’a donné envie de créer Yaya (aujourd’hui 5 restaurants grecs festifs sur Paris, avec chacun une région à l’honneur), pour mettre en avant cette cuisine grecque généreuse. On vient d’ouvrir Bazurto, un restaurant colombien, je m’éclate à réfléchir la carte de Ma Cocotte, où l’on va manger des cuisses de grenouilles, des escargots, l’œuf mayo… de la cuisine plus classique. Ce que j’aime, c’est ne pas avoir de routine, sauter d’une cuisine à une autre, apprivoiser toutes les techniques, explorer tous les produits.

Juan Arbelaez dans son restaurant Le Barzuto. ©Sipapress

Dans ton parcours, de quoi es-tu le plus fier ?
Peut-être d’avoir réussi tout ça dans une démarche respectueuse, des autres, comme de l’environnement. Pourvoir me retourner en me disant qu’on a avancé sans tout broyer sur notre passage. On a le premier resto qui n’utilise plus de plastique à usage unique. C’est un état d’esprit, vivre cette passion pleinement et pouvoir en être fier.

Ta femme, Laury (Thilleman, Miss France 2011, ndlr), quel rôle joue-t-elle dans ta vie ?
C’est un guide, ma source d’inspiration. Elle a cette capacité à accepter l’autre avec ses bons et ses mauvais côtés, ses forces et ses faiblesses. Elle m’impressionne. Pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression non pas de regarder quelqu’un, mais de regarder dans le même sens. On grandit ensemble.

Ces 2 dernières années ont été particulières, comment as-tu vécu cette crise ?
On a réussi à s’adapter en passant très vite à la vente à emporter. Ce qui n’était pas rien à mettre en place sur tous nos restaurants. Mais c’était déjà dans nos plans d’évolution à moyen terme. Au final, le Covid nous a fait gagner 2 ans ! Et puis le confinement nous a permis, avec mes associés, de nous poser, de réfléchir à de nouveaux projets, de nouvelles offres. J’aime, devant chaque problème, me creuser la tête pour trouver une solution et grandir. Ce fut, en vrai, une période très enrichissante et constructive.

Dans quel environnement es-tu comme un coq en pâte ?
J’ai la chance d’être un bon passe-partout. Je suis comme un poisson dans l’eau en cuisine, naturellement, mais avec les clients aussi, j’adore côtoyer les gens qui font la fête, j’ai toujours aimé le contact humain, les échanges avec les médias, les réseaux sociaux… Et même dans les situations stressantes, quand je suis vraiment sous pression, j’aime ces sensations.

Les réseaux sociaux, ça fait maintenant partie de la vie d’un chef ?
Ce n’est pas une obligation. C’est un outil comme un autre… Quand on apprend à s’en servir, ça devient intéressant. Pour moi, c’est un ingrédient de plus à mes recettes. C’est un axe de communication rapide, dynamique avec lequel tu gardes un contact direct avec ton client, c’est aussi un service après-vente immédiat. Moi j’aime bien cet outil, ce partage…

Et la télévision ?
La télé, c’est différent, ce n’est pas toi aux manettes. Ce sont des gros budgets, des chaines qui décident… Il faut déjà qu’elles s’intéressent à toi et qu’elles te proposent quelque chose qui te correspond. Ça fait beaucoup d’étapes… Mais si demain, on me propose une émission cool en accord avec mon état d’esprit et mes valeurs, pourquoi pas !

Du coup, tu dirais que ta vie est un cocktail de quoi ?
Joie, amour, fidélité, passion, excès et équilibre !

Intéressant mariage qu’excès et équilibre !
En fait, je crois qu’il faut savoir salir pour nettoyer. Nettoyer quelque chose de tout le temps propre, ce n’est pas excitant. Tu vois, j’aime bien manger une volaille rôtie entière avec un jus bien gras, et une bonne bouteille de vin, sans oublier les desserts ! Et le lendemain matin, je vais aller courir une heure et demi ! J’aime les excès que j’équilibre. Je ne vis pas de brocolis et de laitue !

Ta journée type ?
C’est celle qui ne ressemble pas à la précédente !

Tes dernières vacances, c’était plutôt coquillages et crustacés en bord de mer ou coquillettes et reblochon à la montagne ?
C’était coquillages et reblochon à la plage en montagne ! En vrai! Cet été, on a pris le van et on a fait toute la côte de la Galice et comme le temps tournait au mauvais, on est rentré dans les terres. J’ai souvenir d’avoir mangé la meilleure côte de bœuf du monde dans un restaurant de montagne, là-bas, un repas bien chargé, comme j’aime. C’était parfait. J’aime particulièrement la montagne l’été, j’ai eu la chance de venir en séjour à Megève faire des randos à vélo absolument magnifiques. On ne profite pas assez de la montagne en cette saison selon moi et pourtant, c’est vraiment top.

Tes moments de détente ressemblent à quoi ?
A tout sauf de la détente ! Il faut toujours que je bouge… Je suis un hyper actif. Me poser plus de 7 minutes sur une chaise longue, c’est pas possible !

©Matthieu Khalaf

Ton paradis à toi, c’est quoi ?
J’aimerais bien avoir un resto face à l’eau. Une dizaine de places assises. Dans mon paradis, l’argent n’est plus un problème, j’ai un jardin à côté pour faire pousser mes légumes. Pouvoir mettre dans l’assiette uniquement ce que je pêche, chasse et cultive… Vivre un peu en autarcie. Un jour, je le ferai !

L’aventure Cocorico N’Co, à Val d’Isère et Tignes, ça représente quoi ?
C’est avant tout une histoire de souvenirs… Je ne skie pas depuis très longtemps, mais c’est à Val d’Isère que j’ai fait mes premiers pas sur des planches ! Et mes premières gamelles… J’adore cette station. Cocorico est un lieu festif totalement dans ma philosophie. On aime le partage, la bonne musique, se régaler. Tu sais, dans mes restos, on fait appel aux mêmes producteurs, aux mêmes produits que les étoilés, juste on les réfléchit différemment, on crée une ambiance de partage, on mange dans l’assiette de l’autre, on rigole, c’est notre état d’esprit. Et Cocorico N’Co est dans la lignée de ce qu’on aime faire. Apporter aux amateurs d’après-ski, qui en général vont faire la bringue ensuite, une offre gourmande différente, ah oui, ça va twister ! Et le faire avec Manu (Renaud), Thibault (Sombardier) et Seb (Bouillet), des copains que j’adore et que je respecte profondément, c’est une super aventure !

Un mot sur Emmanuel Renaud ?
Manu, on est obligé de l’admirer ! C’est un passionné, dévoué corps et âme à son métier… On est allé choper des champignons à 5 heures du mat’ ensemble dans la montagne. Pour moi, c’est un mentor : il est au sommet de son art, reconnu de tous et d’une simplicité incroyable, d’une vraie gentillesse. Même avec son succès, il a su garder la tête sur les épaules et les deux pieds bien ancrés au sol.

Et Thibault Sombardier ?
Thibault, c’est un copain, on est très proches, on a pas mal bringué ensemble ! Et à chaque fois que j’ai mangé chez lui, j’ai pris des claques. Il réfléchit vraiment bien sa cuisine, il a une approche géniale du produit. Je l’adore !

Quant à Sébastien Bouillet ?
Seb, c’est un pote de longue date. Un super pro qui maitrise son art à la perfection. C’est bien simple, goûter un chocolat de Seb, c’est comme mettre les doigts dans la prise : tu peux plus t’en détacher ! Il est simple et génial à la fois. Plus qu’un chef, c’est un mec magique !

FAN DE

Quel est ton acteur préféré ? J’ai toujours adoré Johnny Depp. C’est un personnage un peu taré, obscur et en même temps solaire. C’est un performer, comme Jared Leto ou Matthew McConaughey.

Quel est l’artiste dont tu adorerais avoir une œuvre chez toi ? Je suis particulièrement fan de street art, de Bansky, de Toxic. Mais une toile de Pollock, ça me dirait bien !

Ton chanteur préféré que tu doubles sous la douche ? Carlos Vives, un chanteur colombien avec une énergie folle, il a d’ailleurs signé la BO d’Encanto.

Quel est l’humoriste qui te fait mourir de rire ? Un jeune que j’ai découvert il y a pas longtemps, Paul Mirabel, complètement lunaire, une autodérision de dingue, c’est exceptionnel.

Quel est l’auteur que tu dévores ? En ce moment, je suis sur Cien anos de soledad (100 ans de Solitude) de Gabriel Garcia Marquez. Etudiant, j’étais un peu fainéant et je me dérobais sur les grands classiques imposés, avec les résumés que je trouvais sur Internet. Aujourd’hui, j’ai envie de retrouver mes racines.

Le champion que tu admires ? En dehors de Martin Fourcade que j’adore et qui est un pote, il y a Théo Curin, nageur paralympique qui se met des challenges sportifs de malade dont la récente traversée du lac Titicaca. D’ailleurs, je lui ai fait à manger pour cette traversée… Il est d’une intelligence, d’une force de caractère et d’une joie de vivre qui forcent l’admiration.

Quelle est la personnalité politique qui te fascine le plus ? De Gaulle. Un sacré personnage.

L’homme de l’Histoire ? Gandhi pour avoir prôner le pouvoir de la paix, plutôt que celle la force ou de l’arme nucléaire pour avancer.

Quel est ton héros? Oskar Schindler, que j’ai pu découvrir au travers de La Liste de Schindler. Ça c’est un héros, un homme extrêmement touchant qui a mis sa vie en danger pour les autres. Il n’a pas des supers pouvoirs, mais ce qu’il a fait est juste hallucinant.

Photo : Matthieu Khalaf

BIXENTE LIZARAZU

BIXENTE LIZARAZU

LE ROI DE LA JONGLE

Comme le loup, il a souvent besoin de solitude et de grands espaces. Comme l’ours, il est sympathique, quoiqu’un peu râleur ! Comme le requin, il faut toujours qu’il bouge. Et si vous lui mettez un ballon entre les pieds, il y a peu de chance que celui-ci ne touche beaucoup le sol… Bixente Lizarazu est décidément indomptable.

Bixente Lizarazu a tout gagné, de la coupe du monde 98 à l’Euro 2000, en y ajoutant 2 coupes des confédérations, six Bundesliga, cinq coupes d’Allemagne et autant de coupes de la Ligue. Désigné au passage meilleur arrière-gauche du monde par l’UEFA en 2001, n’en jetez plus, ses coupes sont pleines ! S’il a raccroché ses crampons voilà 15 ans, le foot coule toujours dans ses veines. Il a juste troqué son short en Lycra contre un costume de footballiste taillé sur mesure, qu’il s’empresse de quitter à la moindre occasion… Car son dressing à lui, c’est plutôt maillot de surfer. Son terrain de jeu, il le voit toujours en bleu…

Activmag : Enfant, vous étiez déjà un «kazko»… (têtu en basque) ?
Bixente Lizarazu : Le fait d’en faire qu’à ma tête, ça s’est révélé avec le temps, et surtout de ne rien faire sous la contrainte. Gamin, j’étais juste un dingue de sport. J’avais la chance d’avoir une maman qui avait le temps de m’emmener partout, des tournois de tennis à ceux de pelote basque, du foot au surf, à la voile ou la plongée en été. Je m’éclatais dans le sport. Et avec le temps, le caractère s’est affirmé, par la compétition notamment. Mais une chose est sûre, très vite, j’ai compris que j’étais particulièrement mauvais perdant ! Et ça ne s’est jamais démenti ! Mais faut dire que quand on fait de la compét’, rares sont ceux qui aiment perdre. Alors, forcément, ça arrive dans une carrière, il faut, non pas s’y habitué, mais rebondir et savoir s’en servir, y a toujours quelque chose à en tirer.

Un peu tête de bois, mais avec votre nom, y’a des circonstances atténuantes…
C’est vrai ! «Lizarazu», c’est un lieu rempli de frênes. Le bois est très important pour moi. J’aime son odeur, son contact, c’est vraiment mon élément !

Et pour cause… votre arrière-grand-père était forestier, vos 2 grand-pères menuisier-charpentier, votre père également, vous avez commencé à taper dans des ballons en bois ?
Ah Ah, non ! Mais contre la porte en bois de l’atelier de mon père, ça oui ! Dès que je rentrais de l’école, j’attrapais mon ballon et je tapais pendant des heures et des heures pour m’entrainer. Cette porte a bien reçu !

Votre père était plutôt un homme bourru, gros bosseur, qui ne parlait pas trop, il avait la carrure du rugbyman… avec des mains comme des enclumes, ça incite pas trop à la rébellion ?
(rires) Non, mais il était très gentil avec nous. Heureusement d’ailleurs, parce qu’il avait de sacrées paluches façonnées par son métier, trois fois plus épaisses que le commun des mortels, s’il avait dû nous donner une tarte -c’est jamais arrivé-, on aurait fait 15 tours sur nous-mêmes avant d’atterrir!

Groupe Les Espoirs ©Archive FFF

Petit, le foot vous a cueilli tôt. La compétition, ça a commencé avec le curé d’Hendaye…
Oui, il organisait un tournoi de quartiers, sur un terrain vague derrière l’église. Je représentais le quartier de la gare, et on jouait contre celui de la plage, de la ville… C’est là que j’ai commencé à marquer mes premiers buts et à montrer certaines qualités…

Ado, vous étiez le roi de la jongle ?
Ah oui… Je faisais pas mal de concours de jonglages, c’était des concours Adidas, et j’étais plutôt bon dans la maitrise du ballon. Ce sont des exercices qu’on utilise souvent dans la formation du jeune footballeur.

Et il vous arrivait de jouer contre un certain Didier Deschamps…
C’est vrai, j’avais 13 ans, et lui un an de plus que moi. Mais il avait déjà sa taille adulte à 14 ans, avec de la barbe et tout. Il faisait 1m75 quand moi j’en faisais 1m…20! D’ailleurs, on se plaignait à chaque fois qu’on jouait contre Bayonne, il nous est même arrivé de demander ses papiers d’identité car on avait du mal à croire son âge !

Vous avez confié avoir toujours rêvé d’être un black… ou plus précisément un All Black… Les haka dans le salon, ça se passait comment ?
Fallait pousser les meubles ! Mais c’est vrai que j’ai une passion pour eux, pour leurs valeurs, la culture de cette équipe et ce haka avant les matchs qui met en transe, qui soude. Alors nous, en 98, au travers de la Marseillaise, on vivait aussi notre moment intense de cohésion. On chantait ensemble, on se serrait… J’aime sentir, toucher les partenaires… Je suis très tactile ! Mettre de l’émotion dans le match, c’est important pour moi. Et les All Blacks, au-delà du haka, ils véhiculent des valeurs extraordinaires de solidarité, de combativité, de respect… tout ce que j’aime dans le sport collectif.

Mais alors pourquoi ne pas avoir fait du rugby ?
Par pur esprit de contradiction ! Ici, le pays basque est une terre de rugby, mon père en a fait, mon frère aussi. J’ai pas voulu prendre ce chemin. Avec Didier Deschamps, on est des dissidents !

Petit, mais costaud, comme le bonbon de la pie qui chante, et surtout viril dans les tacles et les duels, parfois un brin sanguin, vous n’aviez peur de rien, ni de personne, même des armoires à glace, c’est de l’inconscience ou vous aviez une super assurance ?
Euh, c’est un défi… Toute mon adolescence, on m’a charrié sur ma taille -j’étais plus petit, plus frêle que les autres-, et c’est resté comme une rage de leur montrer de quel bois j’étais fait. Et du coup, il y avait toujours un match dans le match, l’envie d’aller tamponner les mecs en face et plus ils étaient costauds et plus le challenge était sympa. Si au départ, ça a commencé comme une espèce de révolte, c’est devenu un amusement pour moi. Je savais que j’avais du répondant. J’avais bossé pour ça, pour m’étoffer physiquement, gagner en puissance. Et quel pied de prendre un ballon de la tête face à un mec qui en faisait 2 de plus que moi !

C’est de là que vient votre surnom «Playstation» ?
C’est Franck Lebœuf qui m’appelait comme ça, parce que quand je taclais, je me relevais en un éclair comme dans un jeu vidéo !

Vos équipiers vous affublaient d’autres p’tits noms ?
Manu Petit m’appelait «Petit bison» pour mon physique «petit mais costaud» comme vous dites. Dans le même registre, pour Didier Deschamps, c’était «potiolo» , en basque, c’est un petit mot doux qui veut dire «petit gros». Tout de suite, ça sonne pas très sympa, sauf quand ça vient de lui…

Les JO, un regret ?
C’est vrai. Je suis un peu comme Kylian Mbappé, c’est une compétition qui me fait rêver. Je ne connaîtrai pas ce village olympique où les athlètes du monde entier sont mélangés. On a raté les qualifications pour Barcelone…

Mais vous n’aviez pas dit que vous le retenteriez en skeleton ?
Si ! Mais c’est un délire ! Quand j’ai arrêté ma carrière, je suis parti aux «Etoiles du sports» à La Plagne. Et sur la piste de bobsleigh, j’ai embarqué avec moi deux rugbymen et on s’est essayé au skeleton. J’ai rigolé par qu’ils n’étaient pas fiers ! Mais ça m’a plu. Du coup, j’ai regardé sur Internet s’il y avait des champions dans cette discipline en France et il n’y avait pas grand-monde…

Et là, vous vous dites : y a un créneau !?
Je me suis dit : peut-être qu’en m’entrainant, sur un malentendu, je pourrais être sélectionné… Mais j’ai vite arrêté mes conneries ! Y avait quand même des gars balaises qui ne m’avaient pas attendu…

Des hommes ont marqué votre vie, pro comme perso. Parmi eux : le commandant Cousteau ?
A la maison, on regardait ses documentaires. Et pour moi, ce monde sous-marin si mystérieux, c’était l’aventure ! J’avais mis du ruban jaune sur mes palmes et mon masque pour ressembler à l’équipe de la Calypso. Je plonge toujours aujourd’hui avec le masque ovale qu’ils utilisaient à l’époque. Bon, quand je revois ses reportages aujourd’hui, j’ai un peu plus de difficultés, parce que sur le plan environnemental, c’était parfois limite, mais à l’époque, c’était fascinant !

Bjorn Borg ?
Mon premier modèle et le seul d’ailleurs que j’ai eu dans le sport, c’est lui ! Je jouais beaucoup au tennis enfant et je le regardais jouer à Rolland Garros avant de filer reproduire son revers à deux mains sur les cours, ou lifter comme lui, du fond du cour comme lui, je m’habillais en Fila comme lui, il y avait que sur la longueur de cheveux que j’avais lâché l’affaire !

Raymond la science ?
Ah Goethals… un amour d’entraîneur, fin psychologue et rigolo. A Bordeaux, il nous appelait «ses moustiques» Jesper Olsen et moi pour notre complicité parfaite sur le terrain.

Aimé ?
J’ai 2 entraîneurs mythiques, c’est Aimé Jacquet et Ottmar Hitzfed au Bayern. Ils sont tout en haut pour moi, tant humainement que professionnellement. On a gagné le plus beau ensemble, la ligue des Champions et plein de titre de Champions d’Allemagne avec le Bayern, et avec Aimé cette première étoile, la Coupe du Monde, en France, contre le Brésil en finale… Inoubliable.

©Archive FFF

Zizou ?
La rencontre s’est faite à Bordeaux, il arrivait de Cannes. On a formé ce trio magique avec Dugarry. On jouait les yeux fermés ! Ce qu’on a pu développer aussi en équipe de France. Zizou, c’est un joueur avec qui je me suis régalé. C’est facile de jouer avec lui, c’est même extraordinaire et en plus de ça, humainement, c’est un mec top ! C’est quelqu’un que j’aime énormément.

Beckenbauer, votre modèle de reconversion ?
Ah oui ! Quand j’étais au Bayern, il avait arrêté le foot, mais c’était la big star ! Il était demandé partout, écouté par tous. Il a été sélectionneur de l’équipe d’Allemagne qui deviendra championne du monde en 90 avec lui, entraîneur, puis dirigeant du Bayern, consultant dans toutes les chaînes allemandes. Il a tout fait, tout réussi, avec un charisme de fou. Sa seconde vie a vraiment de la gueule ! Clairement un modèle !

98, année de folie ? Quelle image gardez-vous de la finale ?
On était tellement coupés des médias, du monde extérieur, à Clairefontaine, que je n’ai réalisé l’ampleur du phénomène qu’en regardant mon père, en tribune présidentielle, ce qui, déjà en soi était dingue car on s’était trompé dans le nombre de places demandées pour cette finale et on n’en avait pas pour lui. Au dernier moment, il s’en est libérée une et… en tribune présidentielle, inespéré ! Et donc, quand on est monté pour soulever la coupe, je suis passé devant lui et je l’ai vu en larmes… C’était la première fois que je le voyais pleurer donc je me suis dit : là, il se passe un truc ! J’étais encore dans ma bulle de concentration extrême pour réaliser. Il a fallu 2 ou 3 jours pour que j’atterrisse et surtout que je savoure !

Avec Lilian Thuram ©Archive FFF

Il paraît qu’il y a une version off des yeux dans les bleus ? Qu’est-ce qu’on aurait pu y voir ?
Hum… je ne sais pas… Croyez-moi, c’est mieux que ça reste secret ! (rires)

C’est aussi à partir de là que les joueurs sont devenus plus que des joueurs, des stars, des demi-dieux, des peoples invités sur tous les plateaux télés… Vous l’avez géré comment ?
Plutôt bien. C’était marrant. On faisait la une des magazines, on était sollicités pour de la pub, on faisait des reportages sur nous, c’était rigolo. Et en même temps, je crois qu’on avait la lucidité de comprendre qu’il ne fallait pas en abuser, que ce n’était pas forcément notre place. Au bout de 6 mois, tout le monde a compris qu’il ne fallait pas trop se disperser et revenir aux fondamentaux.
Pour moi, ça n’a pas été difficile, car en revenant du mondial, le Bayern m’a offert une magnifique montre et un bouquet de fleurs pour marquer le coup, et ils m’ont dit “voilà, on est super fiers d’avoir un champion du monde dans l’équipe mais maintenant il faut gagner tous les autres titres avec le Bayern !”. Ils m’ont bien mis la pression ! Mais au niveau de l’équipe de France, je crois qu’on ne l’a pas trop mal géré au final, car deux ans après, on décrochait le titre de champion d’Europe. Mais pour moi, le titre mondial a ouvert la porte à tous les autres derrière.

Coupe du monde 98 ©L’Equipe

Depuis, il y a eu un degré de plus dans la starification à outrance, ce foot 2.0, notamment avec les réseaux sociaux… ça vous inquiète ? Le foot ne tourne plus rond ?
Je suis content qu’on n’ait pas eu à connaitre ce foot-là, nous… Ce qui m’inquiète, c’est qu’il n’y a plus de nuances. Quand aujourd’hui, un joueur fait un mauvais match, ou juste une erreur, il se fait défoncer sur les réseaux ! Y a un phénomène de meute qui est insupportable. C’est déjà quelque chose que je détestais à l’école, cette meute qui s’attaque au plus faible. Le phénomène est tout aussi violent sur les réseaux sociaux et ça tire tout vers le bas, y compris les médias qui leur accordent de l’importance.

12 ans aux Girondins, 9 au Bayern, 12 en équipe de France. Mai 2006, vous raccrochez les crampons avec votre club de cœur, le Bayern, devant 69 000 supporters et le saladier de champions d’Allemagne, le 5e. Une belle sortie ?
C’était une très belle sortie, par la grande porte de l’un des plus grands clubs au monde. C’était la classe ! Et c’était très émouvant. Mais reste que s’arrêter, c’est douloureux. C’était sans doute le match le plus difficile de ma carrière. C’était un compte à rebours… Chaque minute qui passait me rapprochait de la fin. On est encore jeune pour tourner la page d’une carrière.

Accro au bois, on l’a dit, accro aux arbres donc, et il se dit que vous avez même créé une espèce à vous, «l’arbre à 2 branches» pour avoir toujours 2 solutions…
Ou même 3 ! Oui… En fait, il me faut toujours plusieurs options, je déteste être dépendant de quoi que ce soit. C’est pour ça que j’ai poursuivi mes études en parallèle du foot. Si ma carrière avait dû s’arrêter précipitamment pour blessure ou parce que je n’étais pas assez bon, je ne voulais pas me retrouver le bec dans l’eau, dans une impasse.

Aujourd’hui encore, dans votre reconversion, votre arbre à 3 branches vous met à l’abri…
Oui, exactement ! En bossant pour la télé (TF1), la radio (Radio France) et la presse écrite (L’Equipe), j’ai 3 types de médias pour m’exprimer, et si l’un devait perdre un droit de diffusion, ou rencontrer une difficulté, j’ai suffisamment diversifié mes ressources pour passer le cap. Et puis intellectuellement, c’est sympa de multiplier les approches, de toucher à tout. Aux documentaires également. Je suis curieux et je ne supporte pas la routine, c’est donc le bon équilibre pour moi.

Vous avez même créé votre profession sur mesure : footballiste !!
Oui, parce que je déteste le terme de consultant. C’est trop moche !

Deschamps m’a dit être drogué à l’adrénaline que lui procure le foot et l’équipe de France, votre drogue à vous, c’est la même, mais vos dealers sont ailleurs ?
Oui, l’adrénaline, c’est la même. Didier est accro à la compet’, moi, aux sports à sensations. Que j’ai besoin de vivre physiquement, pas par procuration, en tout cas, tant que mon corps me le permet.

©Lizaproduction

Vous avez d’ailleurs comparé les endorphines, que vous trouvez dans le sport, à des bains de jouvence…
C’est certain. Après, il faut adapter le choix des sports à ton âge. Le vélo par exemple, tu peux le pratiquer jusqu’à tard, la natation aussi. Et c’est un bienfait indiscutable pour ton corps. A bientôt 52 ans, je m’éclate encore dans beaucoup de sports différents. J’ai besoin de ma dose. Au final, je n’ai renoncé qu’au foot!

La mer, ça toujours été votre refuge ? Un refuge mouvementé. Un refuge d’adrénaline aussi.
Oui, c’est un univers dans lequel je me sens tellement bien, autant en-dessous qu’en surface. Plongée, surf, voile… Dès le contact avec l’eau, c’est l’alchimie. Je suis un dingue de mer, et le plus bel endroit au monde pour moi, c’est la Polynésie française. J’en reviens, là et j’y retourne dès que possible.

©Lizaproduction

En 2003, vous lancez d’ailleurs «Liza pour une mer en bleu…», un moyen de lui rendre la pareil ?
Ma fibre environnementale, je l’ai d’abord développée à travers mon rôle de parrain de la Surfrider Foundation qui milite pour la protection des littoraux et océans. Et suite au naufrage du pétrolier Prestige et de la marée noire sur les côtes de Galice, j’ai créé la fondation «Liza pour une mer en bleu».

C’était donc en 2003, 20 ans plus tard, on en est où ?
C’est pas brillant ! Je trouve qu’on n’a rien compris ! On se comporte toujours aussi mal. On est incapable de cohabiter. L’animal a aussi droit à son espace, à son territoire qu’il faut respecter, la nature a besoin d’un équilibre qu’il faut là aussi respecter. On ne peut pas prendre toutes les ressources indéfiniment, on ne peut pas construire indéfiniment. On a toujours besoin de dominer, de conquérir. La notion d’équilibre est visiblement difficile à intégrer dans nos têtes !

FAN DE

Quel est votre acteur ou actrice préféré(e) ? Jean-Paul Belmondo, pour son charisme, son énergie et son attitude.

Quel est l’artiste dont vous adoreriez avoir une œuvre chez vous ? Un guerrier massaï d’Ousmane Sow

Votre champion ? Bjorn Borg, mon modèle absolu.

Quel est l’humoriste qui vous fait mourir de rire ? J’ai un faible pour Blanche Gardin.

Votre chanteur préféré que vous doublez sous la douche ? Luis Mariano et avec l’accent ! Je tiens bien Mexicoooo…(rires) et en musicien, Ben Harper.

Quel est la personnalité politique qui vous fascine le plus ? Barack Obama.

Quel est votre héros préféré, fictif ou réel ? Je n’ai pas de héros, par contre, si vous me demandez mon aventurier préféré, je vous répondrais le Commandant Cousteau… Mais c’est juste si vous me le demandez…

Photo : Christophe Chevalin – TF1

PASCAL OBISPO

PASCAL OBISPO

SA LIBERTÉ DE CHANTER

Quand un artiste sort un album tous les 2 ans, lui en livre 20 en 9 mois ! Et toujours avec la même intensité. Et s’il en a vendu des millions dans sa carrière, Pascal Obispo n’est jamais plus heureux qu’en écrivant pour les autres, de Johnny à Pagny, de Patricia Kaas à France Gall… Musique !

Il y a des signes du destin qu’il faut saisir à deux mains. Un train au départ de Lyon, mon homme dedans, et un rang derrière, reconnaissable au premier regard, derrière ses lunettes noires, Pascal Obispo, celui dont les titres te prennent aux tripes, dont la voix te dresse les poils sur les bras, et dont le cœur, derrière ses airs de rocker, déborde de pudeur. Bref, mon homme avait 2 heures de trajet (et la promesse que je saurais me montrer très, très gentille) pour le convaincre de m’appeler. Je ne sais pas si c’est la perspective de me voir si reconnaissante, mais résultat des courses, le lendemain, Pascal m’appelait (oui, maintenant, il fait un peu partie de la famille !).
Une vingtaine d’albums «physiques» en 30 ans, des tubes comme s’il en neigeait, et une autre vingtaine d’albums «numériques» (disponibles sur son appli) livrés en seulement 9 mois ! L’artiste est prolifique et engagé, l’homme magnifique, un rien écorché.
Il a écrit ou composé pour les plus grands, mis le feu pour Johnny, fait «chanter» Florent Pagny, rendu zen Zazie… Garou, Marc Lavoine, Patricia Kaas et livré tout un album pour France Gall qu’elle ne chantera pas. La déception digérée, c’est lui qui le fera, 24 ans plus tard, avec «France» sorti il y a tout juste quelques semaines.
Au bout du fil, sa voix grave, conversation en chansons…

Activmag : Ado, vous avez été bercé à quoi, c’était qui votre «Chanteur idéal» ?
Pascal Obispo :
Dès 13 ans, quand je suis arrivé à Rennes, ça a été Philippe Pascal de «Marquis de Sade» qui a ensuite fondé «Marc Seberg». Alors que j’étais bassiste dans un petit groupe au Lycée, on a même fait leur première partie.

Le premier album acheté, celui dont vous avez dit : «Il est celui que je voulais»?
L’album de Police «Regatta De Blanc», après avoir entendu «Message in a Bottle». J’avais 15 ans.

Le 1er concert, le groupe dont vous êtes «Fan» ?
Marc Seberg ! Mais plus largement, mes premiers concerts, c’était aux Trans Musicales de Rennes. J’y allais pour prendre ma dose de rock.

Comment avez-vous su que vous en feriez votre métier, que «Chanter, vous ne savez que chanter» ?
Sans doute quand j’ai signé mon premier contrat, en 91, avec une maison de disque. J’allais pouvoir sortir du RMI, j’étais en fin de droit au chômage après avoir bossé à la Fnac à Paris… Donc, là, oui, avec cette signature, j’ai commencé à y croire.

Un père footballeur, ça ne vous a pas tenté une carrière à la «Zinedine» ?
Le problème, c’est qu’on n’hérite pas des gènes de nos parents ! Ça se saurait ! On hérite plutôt d’un environnement et d’un contexte social. Et mon père est parti quand j’avais 8 ans. Fin de l’histoire. Du coup, je n’ai même pas essayé.

Au final, vous avez bien fait. Le succès arrive très vite, en 92 dès votre 2e album, c’est ce que vous attendiez «Plus que tout au monde» ? Comment vous l’avez vécu ?
Je n’y ai pas vraiment prêté attention. Avec mes valises un peu trop lourdes, je me devais juste d’avancer dans mon rêve et ma passion, sans réfléchir, sans m’arrêter pour apprécier le moment. Juste vivre intensément les bons et les mauvais moments. Je ne me regarde pas, je trace.

«Et un jour une femme», Céline Dion, dont vous faites la 1re partie de sa tournée en 96, rencontre dingue ?
C’était super. Mes premiers grands moments sur scène, j’ai découvert le plaisir que ça pouvait engendrer. Un moment très étonnant. J’étais parti pour 3 ou 4 dates, et au final, ils en ont ajouté une dizaine.

Après ça, c’est l’explosion, vous «Allumer le feu», celui des autres aussi : Pagny, Hallyday… c’est un autre cap ?
J’ai le sentiment que ça a toujours été l’unique cap, à vrai dire. Ecrire pour les autres. Et encore aujourd’hui. Et c’est pour ça que je suis assez désinhibé quand je me présente sur scène, ce n’est pas mon cœur de métier, je suis sans pression, sans trac du coup. En fait, je ne me sens pas chanteur. Je suis un musicien. Mon truc, c’est d’être au service de la musique, d’en faire pour les autres.

Pour bien écrire pour les autres, c’est un peu «La moitié de moi» qui devient l’autre, faut savoir changer de peau ?
Faut surtout être très curieux, aimer la musique de l’autre, la comprendre, savoir la décomposer, pour en saisir l’essence. Après, ce sont des ingrédients à réinterpréter, à composer comme une recette de cuisine, jusqu’à être en phase. Vous n’allez pas proposer un «Allumer le feu» à Etienne Daho, ou « Une chanson douce » à Johnny, quoi que… On «profile» ! J’ai pas fait d’études dans ma vie, je n’ai ni diplôme, ni bagage intellectuel, en revanche, je suis un féru de musique que j’apprends en autodidacte. J’écoute la musique des autres que je dissèque, et comme j’ai des goûts très éclectiques, je me nourris de tout. Et puis, j’ai conservé une âme d’enfant, cette spontanéité, cette simplicité qui me sont essentielles pour créer. Trop de questions tuent la création. Faut rester simple, une fois que vous avez compris la technique, la musique de l’autre, quand vous aimez l’artiste, vous avez déjà tout à votre disposition, vous faites alors comme si vous étiez l’autre. Comme si vous lui faisiez un costume sur mesure. J’essaie de faire de la haute couture, parfois les coutures craquent, le sur mesure n’était pas parfait, et puis quelques fois, ça a bien fonctionné !

«D’un piano à l’autre», quelle est la chanson que vous avez écrite pour un autre dont vous êtes le plus fier ?
C’est compliqué. Peut-être que les plus nobles à mes yeux sont celles qui ne m’appartiennent plus, à tous les niveaux. Quand une chanson devient un succès, elle ne vous appartient déjà plus, et elle vous échappe totalement quand vous ne percevez aucun droit dessus. Là, elle devient noble. J’ai donné pour «Ensemble contre le sida» (devenu depuis Sidaction, ndlr) des titres, dont un qui a pris une dimension extraordinaire, presque un hymne, c’est «sa raison d’être».

Et dans votre propre répertoire quel est votre meilleur «Millésime», le titre le plus personnel ?
«So many men» que je chante en duo avec Youssou N’Dour. Une chanson sur la liberté, le métissage, la fraternité…

Vous êtes «Un chercheur d’or» du quotidien : vous pouvez écrire sur tous les sujets, même sur le Covid ?
Oui, on a écrit une chanson «Pour les gens du Secours», en hommage aux soignants avec Marc Lavoine et Florent Pagny. Il fallait lever des fonds pour les hôpitaux. Il y avait urgence. Il y a toujours d’ailleurs. Confinement oblige, on a dû enregistrer nos voix chacun de notre côté, Marc en Normandie, Florent à Miami et moi à Paris.

Même dans ces situations de crise, vous restez «Zen» ?
On ne peut pas rester zen dans le monde dans lequel on vit, hyper violent. Faut faire attention à ce qu’on dit, ce qu’on fait, à protéger les siens. C’est un moment difficile, encore davantage pour les jeunes, qui démarrent dans leur vie dans des conditions folles. Zen… oui, il faudrait l’être… mais en gardant les yeux bien ouverts.

Et puis il y a des causes, les restos du cœur, le sidaction, vous êtes toujours mobilisé contre «L’injustice», «L’inacceptable» ?
Ça me semble un minimum ! Ma vie, c’est de me mettre au service des autres, de la musique, des artistes… Mais la santé, c’est quand même autrement plus important. C’est une priorité. Chacun fait avec ce qu’il a. Je ne me verrais pas fermer les yeux.

Au final, vous êtes un boulimique de musique. Vous êtes vraiment «Tombé pour elle» ?
Oui, il y a comme une forme de stakhanovisme généré sans doute par la peur de ne pas avoir suffisamment créé ce que j’avais envie de faire. Aujourd’hui, j’en profite tant que j’ai l’énergie et la voix pour ça. Je travaille beaucoup sur mon application pour générer le plus d’albums possible. J’ai besoin de chanter. De chanter les gens que j’aime. D’explorer d’autres genres musicaux, du jazz, du flamenco, du classique… Il n’y a que la musique qui puisse me faire sup- porter la vie. C’est mon moyen à moi de reste en vie.

Tellement boulimique, que le rythme d’un album tous les 2 ans, c’est plus possible. Vous vous dites alors : «Je ne sais plus, je ne veux plus» être enfermé dans un système formaté. Et vous créez votre propre espace de liberté artistique, cette appli «Obispo All Access», un journal intime de rencontres, de découvertes, d’invités, de créativité, de lâcher prise en somme ?
C’est en tout cas une façon de vivre à mon propre rythme, d’appréhender la musique dans mon tempo. Celui qu’on me propose ne me va pas. C’est comme si j’avais une formule 1 et qu’on me demandait de rouler à 30 à l’heure ! C’est pas possible. Ma formule 1, ce sont tous mes amis musiciens, des centaines d’idées, de chansons qu’on a envie de faire. Dans mes studios, on fait de la musique non stop. C’est impossible pour moi de faire un album tous les 2 ou 3 ans. Je deviendrais fou ! Et cette application est le moyen que j’ai trouvé pour faire toute la musique que j’ai envie de créer, sans restriction. Qui m’aime me suive ! Pour autant, je ne délaisse pas la musique «physique», je viens de sortir l’album «France». J’ai été disquaire, la musique qu’on va chercher en magasin, ça a du sens pour moi. L’appli, c’est pas pour signer la fin du physique, mais pour avoir un espace pour pouvoir m’exprimer entre deux. Et c’est comme ça qu’en 9 mois, on sort 20 albums. Dans le circuit «officiel», on ne nous le permet pas. J’ai acheté ma liberté. Elle a un coût, le salaire des musiciens, techniciens, des arrangeurs… Et les bénéfices de mes concerts, de mes tournées vont directement alimenter cette espace de création, que je partage chaque semaine, avec mes abonnés. La semaine dernière, c’était un album au piano, la semaine prochaine, je reprends toutes les chansons que j’ai écrites pour Florent Pagny, avec mes arrangements, et au fil des semaines, on va découvrir des ballades entre amis… Je travaille sans cesse sur des chansons que j’ai composées ou celles d’artistes que j’aime et dieu sait qu’il y en a ! Christophe, Chamfort, Aznavour, Jonasz, Cabrel… et tant d’autres.

C’est en alimentant cette appli, que vous êtes retombé sur les morceaux écrits pour France Gall qu’elle ne chantera jamais, ayant décidé alors de mettre un terme à sa carrière. C’est pour ne pas connaître «La valse des regrets» que vous en avez fait un album ?
Exactement, c’est en voulant l’alimenter que je suis retombé sur «Ma génération», et puis, en fouillant davantage, j’ai retrouvé des inédits que j’avais complètement oubliés, qui n’avaient pas été redonnés à d’autres, comme «A qui dire qu’on est seul»… Et j’ai voulu les sortir, en m’amusant, en créant un son à la Berger… Je voulais être solaire comme lui.

Dans vos «cartons», y a d’autres «Secret perdu» ?
Oui, j’ai encore un gros gros dossier qui va arriver d’ici peu. Et plein de pépites qui devraient suivre… Ce sont des choses qui seraient, en temps «normal» (le lent), sorties post mortem. Pour Prince, on aurait retrouvé 6000 titres… Moi, je n’en ai qu’un millier. Alors autant que je travaille dessus tant que je suis là. Au moins, ils seront livrés comme je l’entends ! Et partagés, comme tant d’autres choses (entretiens avec d’autres artistes, documentaires, coulisses…), avec les abonnés, les férus de musique comme moi, tous les vendredis sur l’appli.

La scène, votre «Raison d’être», ou en tout cas celle qui vous permet d’exercer votre passion, c’est pour quand ?
Pas avant 2023, sauf surprise.

+ d’infos : Appli «Obispo All Access», seul moyen d’écouter ses anciens albums, retirés des autres plateformes de streaming et ses nouvelles créations… 5,99 € / mois.

Photos : Dominique Gau

FAN DE

Quel est votre acteur ou actrice préféré(e) ? J’ai toujours adoré Marlon Brando et Meryl Streep.

Quel est l’artiste dont vous adoreriez avoir une création chez vous ? Si vous me l’offrez, une peinture de Klimt !

Votre humoriste ? Louis de Funès.

Votre chanteur préféré que vous doublez sous la douche ? Sous la douche, ce serait ACDC !

L’auteur que vous dévorez ? Là, je lis plusieurs choses en même temps. David Byrne «Qu’est-ce que la musique», j’aime les romans de Stefan Zweig : la confusion des sentiments, 24 heures de la vie d’une femme, Amok, Lettre d’une inconnue… Ou la poésie.

Votre champion ? Zinedine Zidane.

La personnalité politique qui vous fascine le plus ? Barack Obama

Quel homme de l’Histoire admirez-vous ? Nelson Mandela.

Quel est votre héros ? Mon fils, Sean.

JOYEUX BORDEL !

Bah dis donc, tu viens plus aux soirées, là ?! T’as tout loupé… Papillote et mamie hot au taquet, bolducs et moldus emballés, y a que Jean-Luc qui s’en est allé : les cheminées à ramoner étaient dattées… Mais quelle veillée ! Le St Nicolas coulait à flots. On avait mis le paquet ! Et moi, comme une dinde, je t’ai attendu.

Allez, tu ne peux pas télétravailler indéfiniment. Tu vas te faire enguirlander à force.

Et puis la barbe, cette déco vide chez toi ! Tu ne trouves pas que ça fait un peu trop moderna santon sapin au milieu -foutue pénurie- ? Et pour couronner le tout, l’étable passée au Myrrhe, rien qu’étrennes par terre, c’est sûr, tu fais des merveilles dans ta crèche ! Viens à la maison, tu verrais le Balthazar chez moi…

Si tes rois mages se rapportent à ton grand âge, avec tes 3 doses, bien cantique, tu peux sortir à présent ! Alors oui, je sais que c’était mieux avent ! Mais la situation sa Melchior, non ? Chapon ? Tu viens, houx bien ? Oui ! Hallelujah !

Si au pas’sage, tu pouvais jeter un œil sur les missives de ma puce, l’autre bien ouvert sur les missiles russes – on n’est jamais assez prudent -, surtout si tu traînes haut ton char, qu’il n’y ait pas d’en bûche. Et vas-y mollo, je sais qu’ils en ont sous le sabot, tes caribous, mais pense un peu au gaz à effets de cerfs…

En t’attendant, je fais un vœu : que ton renne vienne, que ta volonté soit fête !

Et à messe basse de minuit, tu nous raconteras décembre éternelles histoires de lutins et de mère Noël…

Bon, il se fouettard, j’entends sonner le tocsin, l’heure du vaccin.

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